Bon anniversaire au décret SMAD !

Marc Le Roy
Docteur en droit
Auteur de Droit de l'audiovisuel, 2e. édition, 2022
28 juin 2023

 

Bon anniversaire au décret services de médias audiovisuels à la demande (SMAD) du 22 juin 2021. Notre nouveau décret SMAD a deux ans et il a déjà été modifié pour corriger quelques imprécisions.


Que contient le décret SMAD ?


Ce décret encadre les activités des SMAD, c’est-à-dire des SMAD à l’acte, par abonnement, gratuits et de la télévision à la demande. Le décret SMAD de 2021 succède au décret SMAD de 2010. Le nouveau décret encadre la diffusion de communications commerciales par les SMAD (les règles ne sont pas les mêmes que pour la diffusion linéaire par les services de télévision) ; il fixe des quotas de catalogue (60% d’œuvre européennes, 40% d’œuvres en français) et des quotas de mise en valeur de ces œuvres européenne et françaises pour les SMAD établis en France (ce qui n’est pas le cas de Netflix, Disney+, Amazon Prime Vidéo ou Apple TV+). Enfin (et surtout) le décret SMAD fixe les obligations d’investissement des SMAD dans les œuvres audiovisuelles et cinématographiques françaises et européennes.


Quelles sont les nouveautés par rapport au texte de 2010 ?

La principale nouveauté nous vient de la transposition de la nouvelle version de la directive européenne SMA de 2018 par l’ordonnance du 21 décembre 2020 modifiant la loi de 1986 sur l’audiovisuel. Cette transposition permet nouvellement d’imposer des obligations d’investissement aux SMAD qui ne sont pas établis en France mais qui visent la France. A titre d’exemple, Netflix, Amazon Prime Vidéo, Disney+ ou Apple TV+ proposent tous leurs services en France mais aucun n’a son siège social en France. Jusqu’à la modification de la directive SMA, seul leur pays d’installation pouvait leur imposer des obligations d’investissement (les Pays-Bas pour Netflix et Disney+ par exemple). La modification de la directive en 2018 (merci l’Europe) permet à chaque pays européen qui le souhaite de fixer des obligations d’investissement aux services disponibles sur son territoire quel que soit son lieu d’installation dans l’UE. La France s’est saisie de cette opportunité et impose dorénavant via le décret SMAD des obligations d’investissement aux services qui visent la France sans y avoir de siège social.

Au surplus, le nouveau décret SMAD a complètement revu les différents taux d’obligations d’investissement imposés aux différents services à la demande.


Comment s’organisent ces obligations d’investissement ?


C’est très compliqué ! Pour commencer, chaque service, selon sa nature, se voit imposer d’investir une partie de son chiffre d’affaires dans des obligations d’investissement.  Les services par abonnement ont leurs taux, les services gratuits ou à l’acte ont les leurs. Dans les faites, les services par abonnement doivent investir 20% de leur chiffre d’affaires de l’année précédente dans des œuvres ciblées par le décret SMAD. Une partie de ces 20% doit être investie dans :

-         des œuvres européennes et dans des œuvres de langue française ;

-         des œuvres audiovisuelles et des œuvres cinématographiques ;

-         des œuvres dites indépendantes (absence de lien capitalistique entre le SMAD et le producteur) ;

-         des œuvres à budget déterminé pour les œuvres cinématographiques ;

-         des genres d’œuvres (documentaire, animation, spectacle vivant…) pour l’audiovisuel.


Le décret fixe la majorité de la répartition des investissements mais il renvoie à l’ARCOM le soin de fixer une répartition différente ou de préciser certaines obligations. La répartition par genres d’œuvres et par budget appartient par exemple à l’ARCOM (v. art 18 du décret).

 

Quelles sont les dépenses éligibles ?

Le décret SMAD fixe les dépenses éligibles aux obligations d’investissement. Il y a huit types de dépenses éligibles. Seules les dépenses de cette liste peuvent être comptabilisées au titre des obligations d’investissement. A titre d’exemple, la grande majorité des dépenses doivent être réalisées dans des préachats d’œuvres dont le tournage n’a pas encore débuté (cinéma) ou n’est pas encore terminé (audiovisuel). Les SMAD peuvent acheter des droits de diffusion d’œuvres existantes (des Belmondo, des Chabrol…) mais seule une petite partie de ses dépenses (1/4 ; 1/3 selon les cas) pourra être comptabilisée dans les obligations d’investissement. Le reste doit être dépensé dans des préachats. Le but de cette répartition et de faire en sorte que les SMAD financent le cinéma et l’audiovisuel en construction et pas seulement des œuvres existantes.

 

Quels sont les premiers résultats ?

Les SMAD investissent pour le moment autour de 200 millions par an au titre de ces obligations d’investissement. Notez bien que plus les SMAD ont du succès (abonnement, publicité diffusée sur le SMAD…), plus leur chiffre d’affaires augmente, plus les obligations (calculées en pourcentage du chiffre d’affaires) augmentent. Ces 200 millions vont donc croitre régulièrement pendant encore quelques années. 80% de l’obligation des services par abonnement vont à l’audiovisuel (l’ARCOM en a décidé ainsi) contre 20% pour le cinéma (œuvres qui sortent en salles). Une partie du monde du cinéma pense que c’est trop peu et que le cinéma aurait du avoir plus. On notera que ce ne sont pas 200 millions d’euros compétemment nouveau qui sont investis par les SMAD dans l’audiovisuel et le cinéma. L’audiovisuel bénéficiait déjà de nombreux investissement des SMAD. Rappelez-vous que lorsque Netflix est arrivé en France, sa première décision a été d’investir dans une série française (Marseille). Le décret SMAD permet d’aller plus loin que ce que les SMAD étrangers investissaient déjà naturellement tout en précisant leurs obligations. Pour le cinéma, les nouvelles obligations d’investissement sont presque entièrement nouvelles en matière de préachats. Les SMAD étrangers n’investissaient presque pas du tout dans des préachats d’œuvres cinématographiques françaises avant le nouveau décret SMAD. Au surplus, les chaînes de télévision (notamment les chaînes payantes de cinéma comme Canal+ ou OCS) continuent à se voir imposer des obligations d’investissement importantes dans le cinéma. Les sommes déboursées par les SMAD viennent donc s’ajouter aux sommes dépensées par les chaînes de télévision.

 

Pour en savoir plus :

- Le décret SMAD du 22 juin 2021

- M. LE ROY, Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le nouveau décret SMAD...sans jamais oser le demander, Légipresse octobre 2021, p. 498

- M. LE ROY, Décrets du 30 décembre 2021 relatifs aux obligations d'investissement des éditeurs de chaînes de télévision : un nouveau régime alliant changements et continuité, Légipresse mars 2022, p. 181

- M. LE ROY, Le cinéma et la qualité sont-ils vraiment les grands oubliés du nouveau décret SMAD ?, droitducinema.fr, 28 novembre 2021

- M. LE ROY, Adoption du nouveau décret SMAD : comment Netflix et les services de vidéo à la demande vont-ils participer au financement du cinéma et de l’audiovisuel français ?Blip ! novembre 2021

- Formation du 6 juillet sur les 2 ans d'application du nouveau décret SMAD.

 

 

 

Marc Le Roy

droitducinema.fr

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